
« Je suis originaire de la région parisienne ; c’est un ami dont le père avait travaillé dans les carrières qui m’a fait découvrir la cité Blanche. Cette ancienne cité ouvrière Lafarge avait été construite à la fin du 19ème siècle pour loger les ouvriers du cimentier. J’avais été surprise en découvrant l’alignement des habitations aux quelques balcons fleuris, avec cette église en plein centre, face à l’ancien café. Intriguée, j’ai voulu en savoir davantage ; alors je me suis informée aux archives départementales, j’ai consulté tous les écrits parus et j’ai rencontré d’anciens habitants de la cité. Ils se nomment fièrement des ‘Lafargeois’. J’ai imaginé l’animation qui avait existé : les ouvriers qui partaient au travail, ou en revenaient recrus de fatigue. Les femmes qui s’interpellaient sur le pas des portes, ou sortaient faire leurs achats dans les boutiques toutes proches, et celles qui allaient à la sacherie raccommoder les sacs de chanvre déchirés. Et surtout, les enfants – car une soixantaine de familles nombreuses vivaient là. Leurs cris, leurs jeux, leurs chants… Les couples endimanchés qui se rendaient à la messe le dimanche ; les ouvriers qui allaient se détendre au café, ou bien se rendaient à leur jardin dans l’île de la Barcasse, ou encore pêcher au bord du Rhône. J’aime ce lieu, car il est riche d’histoire ; pas forcément à cause de l’épopée industrielle Lafarge, mais riche de l’existence de tous ces gens humbles qui devaient ou savaient se satisfaire de peu. Encore à présent, ils parlent avec nostalgie de leur vie passée. Ils se connaissaient ; ils s’entraidaient ; ils partageaient les joies simples et les coups durs en se soutenant mutuellement. Récemment, des expositions ont été installées dans d’anciens appartements. Deux films ont été tournés, et des journées de fête s’y sont déroulées. La cité a été classée ‘ensemble industriel remarquable de l’Ardèche’. Mais le séisme de l’an dernier a suspendu toute manifestation. J’espère que ce n’est que provisoire – et que la vie pourra à nouveau être insufflée dans cette cité historique. »
(Viviers, Ardèche, 07)


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