« J’ai un amour pour mon village. J’en suis parti assez jeune, pour l’école, puis pour le travail ; mais ma famille y habite depuis le 16ème siècle, et j’ai gardé pour l’endroit un attachement viscéral. Mes parents étaient paysans. Au bout de leur champ se trouvait une ancienne grange, bâtie au 18ème siècle. Elle était immense, elle était belle. Elle faisait autrefois partie d’une chartreuse, édifiée dans le village au 12ème siècle, qui comprenait plusieurs autres granges dans les environs. Mon arrière-grand-père avait acquis une partie de la grange, et j’avais pour elle un attachement sentimental. Depuis le champ, je la regardais, et je voyais le toit percé, les tuiles manquantes, et l’eau qui s’y incrustait. Mais j’étais jeune, et je n’avais aucun moyen. Un jour, j’ai montré la grange à un architecte suisse ; son enthousiasme m’a donné la force dont je manquais. Je devais la sauver ! J’ai convaincu le maire du village, et avec lui nous avons réuni des historiens de la Savoie et des experts culturels suisses et français. La grange appartenait à une famille de banquiers à Genève, qui acceptait de la céder à condition qu’un projet commercial voit le jour. Puisque le village est proche de la frontière suisse, nous avons émis l’idée de transformer la grange en maison transfrontalière. Les Suisses étaient intéressées ; mais les responsables du département ne voyaient dans la grange qu’un amas de vieilles pierres – et le projet a sombré. Mais il y avait l’élégance du lieu, et l’eau qui coulait dans le toit, la beauté et l’urgence : j’ai relancé l’idée, à l’échelle régionale cette fois. Vingt ans plus tard, la grange au bout du champ est sauvée ; elle devenue aujourd’hui un centre d’interprétation et un lieu d’expositions. Elle a été rebaptisée la Maison du Salève : du nom de la montagne qui la porte. »

(Présilly, Haute-Savoie, 74)

Copyright La Maison du Salève
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