
« Je suis né dans ce village ; mes parents et mes grands-parents aussi. Je l’ai quitté pour faire une carrière militaire, et puis je suis revenu à mes racines. Ça n’est pas un grand village. Il n’y a plus beaucoup d’anciens, de ceux qui se souviennent du pont suspendu au-dessus de la rivière, aujourd’hui détruit, où ma grand-mère m’emmenait dans une remorque pleine de linge faire la lessive au bord de l’eau ; ou du château qui se tenait dans la plaine, construit par un compositeur auvergnat du 19ème siècle, également détruit ; il n’en reste aujourd’hui plus que quelques marches de pierre. Le plus vieil édifice du village est une église du 11ème siècle. Mon grand-père, le garde-champêtre du village, comptait dans ses attributions de remonter, tous les dimanches, l’horloge du clocher. Il m’emmenait souvent avec lui. Je l’observais actionner le mécanisme de cuivre et ses dizaines de rouages ; avec une manivelle, il remontait les poids de pierre suspendus à des câbles, qui mettaient ensuite une semaine à redescendre. C’est une église particulière car elle est fortifiée : elle se trouvait au cœur du fort villageois, avec sa tour percée de meurtrières, ses créneaux et son chemin de ronde. Elle est entourée de loges de pierre où les villageois se réfugiaient durant la guerre de Cent Ans, alors que des troupes de mercenaires rançonnaient l’Auvergne. La plupart de ces loges ont disparu ; certaines ont des propriétaires privés, d’autres appartiennent à la commune, qui ne s’en occupe pas. Aujourd’hui, l’église est délabrée. Je sais que, dans le patrimoine, on ne peut financer tout le monde ; mais elle mériterait d’être restaurée. C’est là que mes aïeux ont été baptisés, mariés, et enterrés ; et moi, je suis amoureux de ses vieilles pierres. »
(Pérignat-sur-Allier, Puy-de-Dôme, 63)


Vous devez être connecté pour poster un commentaire.