
« J’ai toujours été sensible à cette architecture de la Renaissance, ornementale, allégorique. Quand j’étais petite, mon père m’emmenait au Louvre. On s’asseyait sur les bancs de la Cour carrée, au soleil, et on regardait les sculptures. Ces personnages sculptés me faisaient rêver ; ignorant ce qu’ils vivaient ou ce qu’ils représentaient, je leur imaginais des vies entières. J’aime l’Hôtel de Sully pour ses façades décorées d’allégories, que je trouve plus vivantes et chaleureuses que les strictes façades du XVIIe siècle classique. Des sculptures, on peut raconter et imaginer des choses : les allégories des quatre saisons, des quatre éléments ; les sphinges, symbole de passage, qui gardent les portes ; les coquilles, symbole de la déesse Vénus… J’aime que l’hôtel soit un point de départ à de nombreuses histoires. Par exemple, l’affaire des poisons : en 1680, la marquise de Sévigné se tint sur le balcon de l’hôtel pour apercevoir le carrosse qui emmenait La Voisin place de Grève, où elle serait brûlée ! Devant ce même hôtel, Voltaire et fit bastonner par cinq hommes après avoir provoqué le puissant Chevalier de Rohan. L’édifice s’inscrit ainsi dans la ‘grande’ histoire, celle de Sully, contrôleur des finances d’Henri IV, mais aussi dans la ‘petite’, celle des philosophes bagarreurs et des empoisonneuses. J’aime cet aspect quotidien de l’histoire – s’imaginer la marquise écrivant à sa fille pour lui raconter le dernier potin, l’architecte isolant l’hôtel d’une cour car les rues de Paris était bruyantes et sales, et les empoisonnements – entre faux monnayages, femmes mal mariées et battues, et disponibilité de produits chimiques… C’est le côté humain du patrimoine, de figurer les façons dont on vivait, on s’aimait, on ressentait. Dans ce jardin paisible de l’hôtel, on devait, comme aujourd’hui, entendre les oiseaux. J’ai découvert l’hôtel il y a 14 ans, en formation de guide ; le Marais est le premier tour que j’ai guidé. C’est pour ça, aussi, que je m’y sens bien. Nous, les guides, sommes toujours un peu stressé d’oublier certains faits ; alors cela me rassure de guider ici, où je me sens comme à la maison. »
– Clémence, 36 ans, guide conférencière nationale
Hôtel de Sully, 62 Rue Saint-Antoine, 75004 Paris, Île-de-France |


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