“Je suis né dans cette bâtisse. Tout le lieu n’est que souvenirs.”

Robert


La Ferme Borderouge

Le patrimoine : Borderouge, une ferme traditionnelle béarnaise. Elle accueille actuellement un marché fermier ainsi qu’un maraîcher. Des fouilles archéologiques ont permis de retrouver sur ses terres les vestiges d’une villa gallo-romaine, appelée « Villa de Goès-Oloron », ainsi que des objets datant de la Préhistoire ; l’occupation du lieu à des fins d’activités agricoles est très ancienne.

Le territoire : située à Oloron-Sainte-Marie, en Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques (64 400).

L’habitant qui vous en parle : Robert Cauhapé, retraité, ancien agriculteur et éleveur, propriétaire de la ferme.

L’histoire de Robert

« La ferme Borderouge est transmise depuis des générations par mon ascendance maternelle, tous des propriétaires-fermiers. J’ai pu retrouver l’origine du nom de la ferme en établissant sur quatre siècles la généalogie de ma famille. Cette dernière commence en 1647 au mariage d’un De Laborde dit « Rouge laboureur ». Son fils s’appellera, par contraction, « Borderouge » et la ferme prendra ce nom.

Le mobilier et les cheminées témoignent de cette longue appartenance familiale ; on retrouve avec certitude du Louis XIII jusqu’au Louis XVI, et du Napoléon. Sur la plaque de la cheminée de la pièce principale, il y avait les fleurs de lys, que ma famille a dû étêter à la Révolution française. Sur le porche d’entrée, avait été écrit « Rue de la Liberté » ; cela a été effacé ensuite à l’arrivée de Louis-Philippe parce qu’il fallait, alors, redevenir royaliste. Il faut dire qu’autrefois, la propagande politique des empereurs et des rois se retrouvait dans la vie des habitants, même dans la vie reculée d’Oloron.

La ferme Borderouge représente parfaitement la construction type de tout le bâti du pays avec, pour particularité toutefois, sa cour centrale et sa galerie. Les murs sont en galets du gave*, les charpentes et les chevrons en poutres de chênes, et la couverture en ardoises. Enfant, j’étais souvent dans des cachettes de la ferme : le grenier ou le fenil. Je prenais l’échelle et un livre, et j’y lisais tranquille, jusqu’à entendre dans la cour « où es-tu passé ? ».

Borderouge pouvait se fermer du monde pendant plusieurs jours certainement : elle est dotée d’un four à pain, d’un puits et elle n’a que deux entrées principales donnant sur sa cour intérieure. En février 1956, des chevilles de glace descendaient des toits. On n’avait pas d’eau dans la maison car l’adduction d’eau de la ville était gelée. Mon grand-père, chaque matin, chauffait de l’eau dans la cuisine pour dégeler la pompe du puits afin d’abreuver le bétail. L’eau du puits sort habituellement à 13 °C, et je me souviens que cet hiver-là, elle fumait en sortant dans l’abreuvoir. Si on laissait un peu d’eau dans une carafe, on y retrouvait de la glace au matin.

Pendant plusieurs décennies, la ferme fut un lieu postal. Ma famille accueillait jusqu’à 80 attelages venus pour le marché. Certains visiteurs avaient fait 20 km. La ferme se faisait payer pour mettre à boire, à manger, aux chevaux et les garder à l’ombre ; les domestiques s’en occupaient. Après la Première Guerre mondiale, cette activité cessa. Il reste des anneaux d’attache en métal partout dans la ferme, ainsi que des percées sur les toits et murs permettant de loger des pigeons voyageurs.

Je souhaite que la ferme soit valorisée. Elle pourrait accueillir des associations fermières, ou de la restauration à base de produits locaux. La partie habitation, je la vois comme un centre d’interprétation qui recevrait un peu de public, avec des thèmes comme le pastoralisme – j’ai toujours aimé les montagnes, la ruralité, l’artisanat d’art rural et local. »

*Gave : mot local signifiant « rivière torrentielle ».

– Robert

Les anecdotes de Robert

Où sont passés les œufs ?

“Mon grand-père s’était rendu compte que le nombre d’œufs diminuait grandement les jours de marché. Un jour, il remarqua qu’un des domestiques avait pris beaucoup de poids ; sa veste gonflait beaucoup. Il lui dit : « Oh, tu as bien profité, ces jours-ci. – Oh, tu sais oui, non, sans plus, sans plus, lui répondit le domestique. – Attends, on va faire un peu de boxe. » C’était la grande mode, de faire de la boxe française. En boxant, le grand-père a fait craquer tous les œufs.”

Où sont passés les piquets ?

“En 14-18, l’arrière-grand-père, qui était assez âgé à ce moment-là, s’est rendu compte qu’on lui enlevait les piquets de la ferme – c’était pour faire du feu, bien entendu. Il a donc fait des trous dans le bois de certains piquets, y a mis de la poudre noire, un peu de terre par-dessus pour la dissimuler, et puis un beau jour, une marmite a sauté. Comme ça, il a su d’où ça arrivait.”


Explorer à son tour

La ferme Borderouge est ouverte au public les jours de marché de producteurs, c’est-à-dire tous les samedis matins. Renseignements auprès de l’office de tourisme ou via l’agenda culturel départemental :

En savoir plus

Sur les trouvailles archéologiques concernant la Villa de Goès-Oloron, vous pouvez aller voir une partie des artefacts découverts à la Maison du Patrimoine d’Oloron ou vous pouvez consulter les travaux de recherche des archéologues François Réchin et Georges Fabre.