« Lors de mes visites guidées, j’insiste sur le fait que nous allons voir un travail de Romains extraordinaire certes, mais aussi un travail de restaurateurs italiens fabuleux ! »
Christine






La Maison du Docteur Sentex
Le patrimoine : La Maison du Docteur Sentex accueille plus de 70 m² de mosaïques gallo-romaines du IVe siècle mis en place au XIXe siècle par des restaurateurs italiens de la région du Frioul (aménagement décidé par Léopold Capdeville) ; un cabinet médical du XIXe (que l’on doit à Louis Sentex) et une collection de faïences dont notamment des Samadet (Louis a été l’un des premiers collectionneurs de faïences).
La maison a été construite dans un style typique des maisons du quartier de l’abbatial de Saint-Sever. Elles sont divisées en cinq parties : un premier bâtiment accueillant une échoppe / une cour intérieure / une habitation servant également d’entrepôt / une cour / des écuries.
Le territoire : située à Saint-Sever, dans les Landes (40 500).
L’habitante qui vous en parle : Christine Moitry, propriétaire de la maisons.
Un patrimoine en danger : La Maison Sentex souffre actuellement de la remontée de salpêtre, mettant en danger notamment les mosaïques.
L’histoire de Christine
« En 1839, Firmin Capdeville donne la maison à son fils, Léopold, à l’occasion de son mariage. Celui-ci fait remplacer une partie du sol du rez-de-chaussée par des mosaïques gallo-romaines qu’il souhaitait préserver. Sa fille, tombée malade, est soignée par un jeune docteur, tout juste diplômé de la faculté de Bordeaux, un Saint-Séverin descendant d’une lignée de médecins, Louis Sentex. Il s’est passé une très jolie rencontre… Après leur mariage, et le décès du beau-père, la maison prend le nom du Docteur Sentex. Leur fils, Jacques, de même que leur petit-fils, Jean – mon oncle, deviennent médecins à leurs tours. Mon oncle n’a pas eu d’enfant, et c’est moi qui ai hérité de la maison.
C’était une maison de médecin, toujours très ouverte. Les gens sonnaient à n’importe quelle heure de la nuit, et mon oncle, Jean Sentex, se levait et allait, même à 3h du matin, au fin fond de la lande soigner des malades. J’ai hérité de la maison en 2004 et, dès l’année suivante, j’ai commencé à accueillir du public tel que le souhaitait mon oncle. Il avait très peur que les mosaïques soient vendues, éparpillées. Leur inscription à l’inventaire du patrimoine en juillet 2004 l’avait rassuré. Aujourd’hui je pense que cette maison se prêterait très bien à un musée.
Depuis toute petite, je venais, ici, chez mon oncle. Enfants, on faisait rouler nos petites voitures sur les doubles cercles composés de torsades de la salle à manger, imaginant des échangeurs. Les mosaïques, c’était normal. Elles faisaient partie du décor, au même titre que les Samadet. Bien sûr, je savais que ce qu’on avait ici, c’était beau. Chez des amis, il y avait de magnifiques parquets, des tomettes, des jolis sols anciens. Mais des mosaïques gallo-romaines, non. Plus tard, je me souviens avoir visité le site de la villa Montmaurin. On nous y avait montré une mosaïque devant laquelle tout le monde s’était absolument extasié. Je ne comprenais pas pourquoi on faisait cas de ce mètre carré de mosaïque gallo-romaine. C’est là que, brusquement, j’ai compris qu’on avait quelque chose d’important dans ma famille.
L’hiver, le sol étant froid, on mettait beaucoup de tapis, donc les mosaïques étaient cachées. Quand on arrive ici, on a l’impression de marcher sur un ensemble récupéré d’un seul tenant. Pas du tout ! Il y a eu tout un re-tricotage extraordinaire qui a été fait. Lors de mes visites guidées, j’insiste sur le fait que nous allons voir un travail de Romains extraordinaire certes, mais aussi un travail de restaurateurs italiens fabuleux ! Ces restaurateurs du XIXe siècle, recrutés par Léopold Capdeville, ont reproduit les motifs répétitifs des mosaïques existantes (palmettes, chevrons…), et parfois comblé les manques en usant de leur imagination. Restaurer comme ils l’ont fait, c’est respecter les artistes, comme les restaurations d’un tableau. Je crois que les gens sont heureux de voir ce que donnait un bel ensemble, et non un fragment du passé comblé par du ciment ; ce serait moins esthétique.
Si je savais que cette maison pouvait devenir quelque chose d’intéressant, qui attire du monde pour Saint-Sever, ce serait vraiment une très grande satisfaction. »

– Christine
Les anecdotes de Christine
La construction de la villa gallo-romaine du Gleyzia au IVe siècle
En 350 après J-C environ, une villa est construite à la sortie de Saint-Sever. Aujourd’hui, nous pensons que l’instigateur de cette construction était un “énarque” de l’Empire romain établi en Gaule pour faire tourner les provinces. Il était sûrement un consul basé à Aire-sur-l’Adour où il y avait un grand rassemblement d’administrateurs romains.
La villa ayant été détruite en 407 lors des invasions des Vandales, elle n’a pu être occupée que durant deux petites générations. Elle a été rasée, pillée, les Vandales sont passés. Puis, ses ruines ont servi de carrière de pierres. Au contraire, les mosaïques étant solidaires du sol, il n’était pas question de les déménager.
La découverte des mosaïques au XIXe siècle
En 1870, les mosaïques sont retrouvées lorsqu’on élargit une petite route. Les agriculteurs qui cultivaient leurs champs à cet endroit se plaignaient de briser le soc de leurs charrues contre des gros blocs étranges. Ils les déposaient sur le bord de la route. En fait, ils avaient découvert la partie inférieure des composants d’un sol en mosaïques ! Et un œil expert pouvait s’en rendre compte…
Léopold Capdeville, conscient de l’intérêt de ce patrimoine, s’est inquiété de son devenir. Il demanda à un des propriétaires des champs l’autorisation de fouiller ses terres. En échange, il lui promit de payer les récoltes qu’il ne ferait pas et certaines pièces découvertes. J’ai toujours le contrat !
Explorer à son tour
Pour visiter la Maison Sentex, vous pouvez prendre rendez-vous avec l’office de tourisme de Saint-Sever ou bien, avec un peu de chance, suivre une visite guidée proposée ponctuellement par Christine !
En savoir plus
Vous souhaitez vous renseigner sur les faïences de Samadet ? Pourquoi ne pas faire un détour par le Musée de la Faïence & des Arts de la table – Samadet ?
Conseil de lecture
La villa gallo-romaine du Gleyzia vous intéresse ? L’ouvrage de Paul Dubédat vous présente les découvertes faites sur son histoire lors de fouilles archéologiques.
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